Vivre activement et mourir activement dans la dignité
Par Sandra J. Hartley, M.Ed.Phys., D.Ed.
Si l’aide médicale à mourir est désormais accessible, mourir dans la dignité demeure un concept qui ne fait toujours pas consensus entre partisans et opposants. Personne n’aime parler de ces questions, mais compte tenu de toute l’attention accordée à l’amélioration des soins en fin de vie, le moment est venu d’aborder le sujet.
Les débats entourant ce sujet ne portent pas tant sur le sens de la mort, mais sur le caractère avilissant et l’absence de qualité de la vie, dans les derniers jours de la vie.
Des mots empreints de jugement comme dignité, soins palliatifs et souffrance ont plusieurs interprétations.
Peut-être que de meilleures définitions nous aideraient à comprendre quand la mort s’enclenche et quand la vie prend fin. Sans définition, nous avons à nous en remettre à des témoignages bouleversants sur les agonies et les souffrances interminables qu’ont vécu des gens pendant des jours, des semaines, des mois, voire des années.
Par cet article, j’espère lancer une discussion sur le rôle d’une vie active dans le sens à donner au terme « dignité ». J’aimerais ramener la notion de dignité dans le royaume des vivants. Je suis convaincue que notre lutte pour vivre activement s’entend d’une vie digne d’être vécue. Et quand vient le jour où quelqu’un en arrive à ne plus trouver de sens dans cette lutte, il ou elle peut décider de prendre des moyens pour cesser de vivre. Comment se fait-il qu’une vie active est encouragée et non une mort active?
Vieillir dans la dignité
Incontestablement, nous vivons plus longtemps et en meilleure santé et apprécions la vie davantage. Et même les bébé-boumeurs qui sont devenus bébé-zoomeurs par leur participation sportive doivent un jour se rendre à l’évidence : ils sont mortels.
Sur le plan biologique, les physiologistes de l’exercice nous disent que nous atteignons le sommet de notre forme à l’âge de 25 ans. Les femmes commencent à perdre de leur force entre 40 et 50 ans et développent des fragilités chroniques plus tôt et plus rapidement que les hommes. En revanche, les hommes sont confrontés à des problèmes de santé plus graves et vivent légèrement moins longtemps que les femmes.
Peu importe que nous soyons femme ou homme, peu importe notre âge ou notre mode de vie, nous allons mourir tôt ou tard, mais il y en a certains parmi nous qui meurent dans de meilleures conditions que d’autres. Nous aspirons tous à vivre bien et à vivre longtemps, mais il est rare que le dénouement de la vie soit heureux.
L’indignité d’une vie qui s’éternise
La plupart des familles ont été témoin du malheur et des souffrances de proches âgés en fin de vie, sans que des maladies précises ne soient en cause. La spirale descendante du vieillissement très tard dans la vie mène souvent à une multitude de problèmes de santé démoralisants et invalidants. Mais aucun de ces problèmes n’est suffisamment grave en soi pour mener à une fin paisible.
Combien de temps dure cette spirale descendante? La mort peut-elle s’éterniser pendant des jours? Des semaines? Des années?
La question de la dignité est souvent reliée aux soins de fin de vie et à la médicalisation de la gestion de la douleur, aux interventions chirurgicales et à d’autres traitements à un âge avancé. Au départ, nous sommes enchantés que nos êtres chers puissent bénéficier d’un meilleur confort pendant un certain temps. Mais un jour ou l’autre, la médecine ne nous laisse plus mourir quand on devrait mourir. Paradoxalement, la pratique médicale nous aidera à gérer la douleur aussi longtemps qu’il faudra, et ira jusqu’à tolérer que l’on cesse de s’alimenter.
Une personne âgée qui a un ordre de non-réanimation dans son dossier peut être ramenée à la vie dans une ambulance quand les ambulanciers n’ont pas le temps de vérifier la documentation. Se faire ramener à la vie à répétition finit par avoir de dures conséquences et une personne finit par perdre tout intérêt dans la vie et à se couper des autres. Ma chère mère après cinq réanimations était toujours en vie et consciente à plusieurs égards, mais elle était aussi morte à plusieurs autres égards. Elle ne mangeait plus. Elle n’ouvrait plus les yeux. Elle ne répondait plus aux questions. Elle n’avait plus de réaction quand on lui faisait un câlin. Ma mère est morte six fois parce qu’elle aura été scandaleusement laissée à son pire cauchemar, l’indignité d’une vie qui s’éternise.
La dignité d’une vie active
Certains affirment que le décompte de la vie s’amorce dès notre naissance. Mais c’est la vie, et pendant que nous sommes en vie, nous voulons vieillir du mieux que nous le pouvons et bénéficier des activités qui nous maintiennent en santé et en forme. Chercher à se maintenir en forme et à préserver sa santé à tout âge est le summum d’une vie vécue dignement.
Une vie dans la dignité est une expérience unique. Quand nous arrivons au troisième âge, nous tendons à accepter un certain ralentissement et un déclin de nos fonctions, certains problèmes de santé, certaines incapacités et certaines douleurs comme étant simplement dû au fait de vieillir. Si seulement une minorité parmi nous vivons presque centenaire, certains dans ce groupe d’âge participent à des marathons et à des courses Ironman. Les preuves abondent que l’âge n’est pas un obstacle à une vie active.
Il n’est pas nécessaire d’être un athlète. Marcher, faire des étirements et suivre un programme d’activité physique modéré réduit de moitié, en moyenne, le déclin qui survient entre l’âge de 30 et 80 ans. Aucun médicament ne peut réduire de moitié le déclin lié au vieillissement comme une prescription d’exercice de base le fait!
Une vie dans la dignité se trouve grandement rehaussée par une personnalité positive, de la scolarité et des ressources, un réseau social de soutien, beaucoup de chance et bien entendu une raison de vivre. Mais nous pouvons vieillir mieux et bénéficier d’une meilleure qualité de vie quand nous sommes physiquement actifs. Que ce soit en s’assouplissant les doigts au piano, en dansant à fond, en faisant du kayak sur un lac, ou en promenant le chien dans un parc, ce que nous faisons physiquement caractérise notre dignité.
La dignité se présente sous toutes les formes et dans toutes les tailles
En tant que gérontologue qui a côtoyé des centaines d’aînés au fil des années, je peux vous confirmer qu’il y a de de vieilles bonnefemmes et de vieux bonhommes déplaisants et qu’il y a de vieilles et de vieux sages qui sont bons et humbles malgré leur situation et leurs malheurs. Mais il est dangereux de verser dans les stéréotypes et le jugement.
Par exemple, il y a de « petites vieilles » qui jouent au bingo, mais il y en a aussi qui sont obèses, des milliers d’entre elles, qui jouent au bingo. Elles se lèvent le matin et sont impatientes de se mettre à bouger parce qu’elles sont veuves, elles adorent ce jeu, et elles se divertissent et en retirent du plaisir. En hiver, elles enfilent des vêtements chauds, marchent, prennent leur automobile ou les transports en commun, pour rencontrer leurs amies et font un effort pour rendre leur après-midi ou leur soirée agréable. Ce n’est pas de l’exercice au sens où la plupart d’entre nous l’entendons, mais elles doivent faire un réel effort physique et puiser dans leur énergie pour s’adonner à leur activité favorite. Peu de femmes âgées sortent pour la journée, mais les joueuses de bingo le font. J’irais jusqu’à dire que c’est leur façon de vivre dans la dignité.
J’aimerais proposer aux défenseurs d’une vie active d’examiner le rôle important que l’activité quotidienne, y compris celle qui comporte peu d’activité physique, peut avoir dans le maintien de la dignité et de la qualité de la vie. Une vie active renvoie avant tout à cultiver sa joie de vivre, à savoir composer avec les jours d’hiver, à se donner la peine de sortir et de se divertir, et encore mieux encore, de choisir l’activité physique au lieu d’une vie sédentaire.
Si un jour, un chercheur en venait à découvrir que toutes les personnes qui ont plus de 70 ans sont en train de mourir sur le plan biologique, alors il faudra remettre mourir dans la dignité à l’ordre du jour. Mais d’ici là, faisons la promotion d’une vie active pour ajouter de la dignité à la vie et profitons de nos activités autant que nous le pouvons.
Au sujet de l’auteure
Sandra J. Hartley, M.Ed.Phys., D.Ed. est professeure émérite de l’Université de l’Alberta, et vit à White Rock/South Surrey, en Colombie-Britannique.
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